Un peu d’histoire
Eugene T. Gendlin, que l’on nomme familièrement Gene, est né le 25 décembre 1926 à Vienne, en Autriche. Il était enfant unique d’une famille juive, sa mère étant originaire de Triest, d’ascendance espagnole, et son père
venant d’Ukraine.
Une connaissance implicite
Fuyant l’invasion nazie, la famille de Gendlin arriva aux États-Unis en 1939. Il a gardé de ses expériences d’enfant des souvenirs qui ont influencé la formation de son esprit et sa pensée humanitaire.
Lorsque la famille de Gendlin s’installa en Amérique, le jeune garçon qu’il était alors dû apprendre rapidement l’anglais. Comme il n’y avait pas, à l’époque, de classe d’immersion, l’enfant de 12 ans fut placé dans une classe de première année avec les petits de 6 ans.
Le professeur, voyant que Gene faisait d’abord l’expérience des mots dans sa langue avant de les traduire en anglais, lui apprit une leçon très simple : il n’était pas nécessaire de traduire le mot «chaise», car ce qu’il voyait pouvait être dès le début une «chaise». Gene tenta alors de penser en anglais et réalisa qu’il avait toujours su, indépendamment des mots, ce qu’étaient les choses. Il pouvait toujours revenir à ce sentiment familier qu’il avait de cette «chose» et de ce à quoi elle servait.
En grandissant, Gene nota de plus en plus souvent cette connaissance implicite et commença à articuler sa réflexion autour de cette connaissance. C’est ainsi qu’une institutrice de première année lança un jeune garçon de 12 ans dans une très longue étude de la relation entre le langage, le sens et l’expérience.
Le site de Rob Parker (Coordonnateur Certifié de l’Institut de Focusing), où nous avons relevé cette anecdote des débuts de Gendlin à l’école, présente une description détaillée du travail et de la démarche philosophique de Gendlin.
Son ressenti lui disait…
Un peu avant que sa famille quitte l’Autriche, au moment de l’invasion du pays par les Nazis, le père de Gene fut emprisonné et leurs biens furent confisqués. «J’entendis des invités de mes grands-parents affirmer que ceux qui avaient été mis en prison devaient certainement avoir commis quelque crime. Je compris alors pourquoi mon père m’avait si soigneusement expliqué la situation. Ces adultes étaient, selon moi, stupides et j’étais mieux informé qu’ils ne l’étaient. Bientôt, lorsque tous les hommes juifs furent arrêtés, la vérité devint apparente.
Il me semblait aussi parfois saisir les choses plus facilement que les adultes. Ils disaient ne rien comprendre de ce qui se passait, ils n’y arrivaient simplement pas. Ces gens, qui avaient l’habitude de privilégier l’ordre rationnel, se trouvaient désorientés. Ils étaient confus : «Comment une telle chose pouvait-elle se produire?» Ça me semblait pourtant simple. Une très mauvaise personne avait pris le pouvoir. »
Et un peu plus loin, dans le même récit, pendant leur fuite alors que le père de Gene décide de couper le contact avec la personne à laquelle il avait été référé :
«Lorsque mon père revint, il était très pâle et me dit : «Allons-nous-en». Il m’expliqua en chemin qu’il ne pouvait pas faire confiance à cet homme. Mon père me dit que son ressenti lui disait «Non». Mon père avait déjà dit à plusieurs reprises : «Je fais confiance à ce que je ressens». Mais, cette fois-ci, je n’arrivais pas à comprendre qu’il fasse ainsi confiance à ce qu’il ressentait. Nous étions dans une ville étrangère et sans solution pour en sortir. Nous avions mis tout notre espoir dans cette «adresse», et maintenant il n’y croyait plus, juste parce qu’il le «sentait».
J’en étais surpris et je me suis souvent demandé, par la suite, quelle sorte de ressenti pouvait ainsi nous dire quelque chose. J’essayais parfois de trouver cette sorte de ressenti à l’intérieur de moi et je n’y arrivais pas. Mais, à partir de là, j’ai commencé à y porter attention jusqu’à ce que l’effet s’en fasse sentir. Quarante ans plus tard, lorsqu’on me demanda comment j’avais découvert le Focusing, je me suis rappelé ces circonstances.» (GOL_2181)